Transhumance – El arreo (épisode 4)

Bruits lointains. Insidieuse vague d’air froid dans le duvet. Voix oniriques. Tout semble distant. Réveil. « ¡ Chicos vamos ! ». Il est 5 h 45, je m’extrais de mon duvet les yeux encore collés. Mon corps se met en action alors que mon cerveau ne lui à rien demandé. Je vois mes mains rentrer mon duvet dans sa housse, rouler ma peau de mouton, soulever ma selle, et mes jambes se diriger vers Illusion. Mes premières pensées organisées seront pour la prise de conscience, qu’une fois de plus, il n’y aura pas le temps pour un café. Peu importe. Je suis déjà en train de réaliser que les bêtes ont été rassemblées et que nos gauchos n’attendaient que notre réveil pour lancer le troupeau.

 

Illusion est sellée ; un pied dans l’étrier, une main sur le pommeau, l’autre derrière la selle et je prends appui sur ma jambe endolorie pour atterrir un peu brutalement sur le dos de la pauvre Illusion. Unis dans la douleur.

Le voile devant mes yeux commence à se dissiper quand nous passons la première rivière. Les meuglements reprennent en force, le lent mouvement de la troupe de bovins retrouve son rythme, qui me semble d’ailleurs plus rapide qu’auparavant (la nuit de repos sans doute). Une lumière chaude et rasante perce la poussière environnante, projetant dans l’air la silhouette des cavaliers. Instant magique. Tout semble se figer, j’ai une impression de ralenti (certainement due à ma fatigue) mais le moment est sublime. Je me décale de la masse pour contempler le spectacle et prendre un peu de hauteur.

 

 

Les  traversées de rivière et les collines défilent, le paysage devient plus vert, nous prenons de l’altitude.  En arrivant sur un plateau, un cavalier vient à notre rencontre ; il connait apparement l’équipe. C’est le propriétaire de ce petit coin de paradis encaissé au milieu des montagnes. Il y a, donc au milieu de la propriété de Georges, une autre propriété, Mapuche celle-ci, s’étendant sur 8 km.

 

 

 

Magnifiques chevaux en liberté, petite rivière sillonnant le plateau, pâturages verts et luxuriants, quelques arbres ici et là, nous sommes loin de la végétation aride d’en bas. Notre hôte prend en main le troupeau en galopant et sifflant. Il semble pressé que les bêtes traversent et ne s’éparpillent pas. Nos gauchos sont peu réactifs, j’apprendrai plus tard qu’ils n’ont pas dormi, contraint de surveiller le troupeau et de faire des rondes. Des surhommes vous dis-je… Où bien ils mettent quelque chose dans le maté.

Nous arrivons à une barrière où un symbolique cadenas marque la frontière entre les deux  propriétés.

Nous faisons la pause déjeuner un peu plus loin. Je flotte. Je suis en mode automatique. Je demande si la lagune est encore loin. « Non, plus très loin » me dit-on. Mais une conversation a lieu autour du feu dont je ne comprends pas la teneur. Finalement Élise me dit que nous allons redescendre à l’estancia avec Mario car nous avons pris un jour de retard, nous devions remonter avec Georges le lendemain. Nous ferons donc l’aller-retour entre aujourd’hui et le lendemain. Seuls Raul, ses fils, Felix et Oswaldo resteront pour terminer la transhumance.

Tout ça pour ne pas voir les lagunes… Je ne réagis pas sur le moment. J’acquiesce sans poser de questions. Une siesta et nous prenons la route en sens inverse. Le trajet du retour nous prendra 5 heures. Nous croiserons sur le chemin tous les oubliés retournant à la plaine, guidés par leur instinct.

Le sentiment de frustration grandi, ajouté à la fatigue, à la douleur et à la chaleur, je passe la route du retour dans une humeur infernale, ne réussissant pas à m’extraire de mes émotions. Cela met un bémol mon expérience et pèse sur celle d’Élise.

Mea culpa.

 

3 thoughts on “Transhumance – El arreo (épisode 4)

  1. Sur la photo en noir et blanc, trois chevaux, mais deux cavaliers … T’as fini à pied ? Ou alors tu n’étais pas assez fatigué pour trouver encore la ressource de courir pour prendre la photo et courir à nouveau pour rattraper ta jument, Illusion…

  2. eh Loulou!! ça fait partie du voyage… ça peut pas être tous les jours une experience magnifique et lisse… toutes les cases ne se remplissent pas d’un simple; check. Certaines ont besoin ‘un peu plus de patience, d’explications, etc… Le voyage est un apprentissage… il permet de mieux nous connaître… pas besoin de demander pardon! Apprends de cette expérience. Ne la regrette pas !!! Pas de rembobinage dans le théâtre de la vie, tu l’as vécu comme tu devais la vivre.. tes émotions ont le droit, parfois de prendre le dessus sur toi! ce n’est pas grave… Sois un peu plus indulgent avec toi… love.

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