Chiloe

01/02/17

Je me suis arrêté à Villa La Agostura près de la frontière. Je voulais me lancer vers Entre Lagos directement, mais j’avais besoin de faire le plein et, à la station service, un motard venant de la frontière m’a dit que c’était gavé de monde. Et le truc c’est que si tu n’es pas passé à 20 h, ben tu rebrousses chemin parce que ça ferme !

Donc voilà, je me suis posé dans un petit hostel (auberge de jeunesse en espagnol), à l’écart de la ville, où il n’y a pas grand monde ; pourtant le parc national quasi-désert par lequel nous sommes passés en décembre était rempli de bagnoles dans tous les endroits où nous nous étions arrêtés ; délirant…

Je pense que je ne vais pas passer à Osorno mais plutôt couper pour aller directement à Puerto Montt et essayer d’être sur Chiloé demain.

02/02/17

Je suis tombé du lit à 5 h 36 ce matin… Impossible de me rendormir. En plus le mec au dessus de moi ronflait ; ça me rendait dingue et du coup je me suis lancé dans le désimlockage de mon téléphone et ça l’a complètement effacé… Mais ça a marché ! Je suis resté jusqu’à 11 h 30 à l’hostel à tout remettre en ordre mais j’ai quand même perdu des photos dans la bataille.

Je me suis ensuite dirigé vers la frontière où je suis arrivé à 11 h 44. Et là, embouteillage… Que dis-je, voitures arrêtées et tout le monde dehors en train de danser, piqueniquer ou promener leurs gosses.

 

 

Premier mouvement de voiture 2 h 11 après mon arrivée… J’ai donc commencé par boire un café trop sucré, fumer une clope puis boire un autre café. Voyant que ça ne bougeait toujours pas, le pot de dulce de leche s’est imposé dans mes pensées avant de se retrouver dans ma bouche mélangé à une craquotte. Après une petite dizaine de ces amuse-gueule (oui, peut être douze ou treize…), toujours pas de mouvement… J’ai alors commencé la lecture du Pouvoir du moment présent, acheté ce matin sur l’iBookstore, espérant y trouver un peu de sérénité. Finalement à la page 58, j’entends des portes de voitures qui claquent. Je lève la tête, absorbé que j’étais à essayer de comprendre si “l’Être est une vision introspective de la divinité”, et je vois que ça bouge ! Je remballe mes affaires, rempli le top-case à l’arrache, mets mon casque, mes gants, tourne la clé, démarre, passe la première et avance… de 30 mètres.

Je commence à me faire à l’idée que je ne serai pas à Chiloé ce soir. Une grosse heure de plus à lire avant que la barrière ne se rouvre et cette fois c’est la bonne (à une voiture près). Pas de soucis majeur si ce n’est une queue qui sort dehors devant les guichets mais le passage a finalement été rapide.

Finalement, j’arrive à la frontière Chilienne ; la nana au guichet, proche du quintal et maquillée à la truelle, est adorable et elle déploie une énergie incroyable pour sortir le peu d’anglais qu’elle connait afin de m’expliquer toutes les démarches à suivre. Immigration, douane et contrôle du véhicule et des bagages. Cette fois, ils me font tout déballer et je suis obligé de bouffer mes deux pommes et ma pêche immédiatement si je ne veux pas les voir partir à la poubelle. So I did.

35 km plus loin, au virage pour Rupanco Farm, j’hésite un quart de seconde et repasse la quatrième. 16 km plus loin, Entre Lagos. Je m’arrête à la station d’essence en passant par les rues désormais familières.

Il est 16 h 30. Je décide finalement de passer par Osorno à 90 km de là. Le vent est insistant, je ne dépasse pas les 60 km/h. Il est 19 h quand j’arrive à destination.

Je trouve un petit hostel dans un quartier pourri et je demande à la réceptionniste d’une soixantaine d’année s’ils ont un parking. Elle me répond que “oui, derrière le bâtiment” et m’emmène voir. Là, je me retrouve dans une cour intérieure d’une centaine de m² mais avec comme seul accès la porte battante par laquelle nous venons d’entrer… Alors, j’ose la question : “Perooo… ¿Cómo entro en el “parking“ ?”.

Elle me répond, avec un naturel déconcertant, que je dois traverser l’hostel à moto. Houuuuuuu. Je fais mine de ne pas avoir bien compris et lui demande de sortir pour voir la moto. Elle hoche la tête : “Si, esta bien !“. J’explose de rire et je commence à décharger la moto pour me lancer dans la traversée.

Ci-dessous la photo du “chemin” pour que vous compreniez le fou rire

 

 

On ne voit pas bien, mais il y a trois marches après la porte ; ahahah, je lui ai ruiné le paillasson !

Elle a été adorable ; elle était prête à pousser la moto du haut de son mètre cinquante.

Voilà ma journée ; là j’en suis au dessert en terminant d’écrire ces lignes. Je ne vais pas en laisser une miette…

 

 

03/02/17

Je me suis réveillé à 7 h ce matin et après avoir pris un copieux petit déjeuner (Lina, la septuagénaire qui faisait le service, m’a fait comprendre que, quand on voyage, il faut bien manger ¡ Ah siii claroooo !), je me suis lancé dans l’édition et la mise en ligne du prologue de la transhumance. Je suis ensuite allé au magasin de téléphone pour faire activer la puce que j’avais achetée car je ne comprenais rien à leurs explications téléphoniques… La demoiselle qui a tout fait marcher n’en pouvait plus de me dire qu’elle adorait la tour Eiffel et que Paris était vraiment une ville d’amoureux. J’ai souri et hoché la tête.

Il était 11 h 30 et donc temps pour moi de décoller. J’ai descendu mes bagages et retraversé l’hostel en sens inverse sous les ovations du personnel !

 

 

J’ai ficelé les bagages et me suis lancé. J’ai fait un petit crochet dans le — soi-disant — meilleur magasin de moto du Chili qui est en fait pro BMW, n’a que peu  d’accessoires et est plutôt axé sur les vêtements et les casques. Je leur ai demandé s’ils avaient des visières et la meuf, en me toisant, m’a dit : “No trabajamos con esta marca…“. Gracias.

Je me suis donc lancé sur la grise et monotone ruta 5. Temps couvert, quelques gouttes de pluie et beaucoup de camions.

 

 

Comme ça jusqu’à Puerto Montt où j’ai réussi à me planter de chemin, hypnotisé par un panneau récurant qui a anesthésié mon sens de l’orientation…

 

 

Demi-tour sur 25 km et descente jusqu’a Pargua pour embarquer à bord du Don Juan et traverser jusqu’à Chiloé où j’ai poussé la moto jusqu’à 246 km (record précédent 242 km) pour enfin arriver à la station d’Ancud.

 

 

Sur la grand place d’Ancud, je me suis fait mettre le grappin dessus par un poivrot qui parlait un langage incompréhensible et quémandait quelques dineros. Je le trouvais beau. J’ai finalement lâché une clope pour qu’il m’affiche en hurlant : “¡VIVA FRANCIA !”.

 

 

J’ai ensuite décidé d’aller me perdre sur les routes du nord-ouest en me disant que j’arriverais pour un beau coucher de soleil.

Chiloé est à la hauteur de sa réputation. Tout  est vert, vallonné, la route serpente, monte et descend et trace des zigzags de rêve pour riders exigeants.

 

 

L’air est frais mais pas froid, l’odeur des embruns et des algues me rappelle Noirmoutier, les nuages se sont dissipés et laissent place à un soleil rose et doux de fin de journée.

 

 

Du haut de chaque colline je distingue des criques parsemées de petits bateaux de pêche aux couleurs vives et écaillées, et des pêcheurs qui étalent des algues sur le bas-côté  de la route pour les faire sécher.

 

 

La route s’est transformée en piste et les indications se font rares. Je garde le soleil comme point de repère mais je me rends compte que je tourne en rond. J’essaye une autre piste, vers l’est cette fois, en admirant la lumière du soleil couchant creuser les collines.

Finalement, j’arrive au bout de la piste à Faro Corona à temps pour admirer un dégradé allant du jaune au violet que le soleil, déjà couché, peint sur les nuages. Magique.

 

 

Sauf qu’il est 21 h et que je ne sais pas où je vais dormir. Je rebrousse chemin et entre dans une propriété pour demander si je peux planter ma tente. C’est un oui. Carmen, mon hôtesse, me gratifie même de trois empanadas fromage crevette (qui me pèsent encore lourdement au moment où j’écris ces mots…) et d’un thé bien chaud. Je suis à 30 mètres de la mer, j’entends le grondement des vagues qui se brisent sur la plage et je pense fort à elle, enfoui dans mon duvet.

05 au 11/02/17

Je me suis installé dans un petit hostel à Dalcahue pour quelques jours. C’est central et cela me permet de visiter l’île sans avoir à trimballer tous les bagages. La propriétaire, Lanita, m’a pris sous son aile, elle me prépare des bons petits dej’ et m’engueule quand elle comprend que je n’ai pas mangé (elle est 14 fois grand mère, on ne la lui fait pas…)

Je passe donc mes journées à sillonner l’île qui semble être une espèce de mélange entre le Tarn et Noirmoutier ; c’est amusant, mais cela devient un peu répétitif et je voulais partir demain. Malheureusement, le prochain ferry pour rejoindre Chaitén ne part pas avant samedi à 17 h… Je suis donc prisonnier de Chiloé. En même temps, il flotte depuis hier… Donc, je profite de l’excellente connexion internet (300 k/sec..) pour m’occuper d’une partie de toutes les remarques qui m’ont été faites sur le blog et ses « trous », mais c’est chronophage et je me dis que je devrais être dehors en train de découvrir.

C’est pas grave, j’ai, de toute façon, besoin de me reposer et de me calmer.

 

Dalcahue est un petit port au centre-est de l’île. Bon poisson, petite place donnant sur le port avec  “feria” artisanale (sorte de marché où se mêlent habits traditionnels, petites sculptures en bois et autres babioles), et bien entendu le Lanita hostal où j’ai dormi cinq jours.

 

 

 

Sur Chiloé il y a “Las rutas de iglesias” ; non pas que je sois fan d’églises mais celles-ci sont caractéristiques, tout en bois, jusqu’aux gravures à l’intérieur. L’intérêt de la chose c’est que ça me fait passer par tous les petits bleds peu fréquentés au bout des pistes, bien plus charmants à mes yeux que les attractions touristiques.

 

 

 

 

L’ile est verdoyante et vallonnée c’est vraiment agréable à rider.

je suis donc parti jouer avec “la guachita” (nom donné à ma moto par Sìmon avec qui j’ai réalisé le four en adobe) sur les quelques dizaines de revêtements différents qui recouvrent les pistes de Chiloé.

 

 

Cucao, au milieu-ouest, et Mar Brava une petite centaine de kilomètres au dessus, sont des plages exceptionnelles. Pourtant, à part un ou deux groupes d’audacieux, je n’y ai pas rencontré grand monde.

 

 

 

Il est vrai que la traversée de la plage, pour aller tremper l’auriculaire, peut paraître

très longue quand on est à la merci d’un petit vent frais dévalant de la Cordillère qui s’insinue sournoisement un peu partout et de préférence là où mon T-shirt sort du pantalon.

Au bord de l’eau, les vagues déferlent sur la plage toutes les dix secondes, formant une barrière de plusieurs centaines de mètres qui occulte le bleu de l’océan Pacifique et fait douter de la pertinence de son nom.

 

 

 

 

Ces deux plages m’ont laissé un souvenir d’immensité ouvrant sur l’horizon.

Le plaisir de rouler sur la toile de pistes tissée à travers l’île était doublé par le plaisir de la découverte.

J’y ai appris que 16 des fameuses églises en bois ont été classées au patrimoine de l’UNESCO. Qu’elles furent construites aux XVIIe et XVIIIe siècles par les jésuites espagnoles et les Huilliches (peuple local) pendant la colonisation espagnole qui ont fusionné leurs deux savoir-faire pour créer cette architecture en bois typique de Chiloé.

J’y ai aussi appris qu’Elvis n’est pas mort ! Il vend des légumes dans la rue à Castro,

 

 

qu’il y a deux lamas sur l’île,

 

 

qu’il y a des chemins compliqués menant à des cascades sublimes,

 

 

 

et que Castro, la grosse ville du sud de l’île, a quelques jolies maisons sur pilotis.

 

Dimanche 12 février

Il faisait “gris Patagonie” (gris avec des trous bleu) hier quand j’ai quitté Quellón pour rejoindre Chaitén sur le ferry.

 

 

La traversée dure 5h. Il pleuvait un peu et les nuages étaient bas et sombres. Le ferry a embarqué 3 semi-remorques, une vingtaine de voitures, 2 motos et une centaine de passagers.

 

 

J’attendais une trouée qui laisserait passer un rayon de soleil couchant au milieu de tout ce gris, et puis j’ai regardé dans l’eau et j’ai vu des formes étranges…

J’espérais voir des baleines sur le trajet ( ce sont, parait-il, des habituées du golfe de Chiloé) mais le ciel est resté  plombé, on ne voyait pas grand chose.

 

 

Je suis arrivée vers 22h.

Anita (la propriétaire de l’hostel) m’a prévu un lit pour la nuit chez une de ses amies dont elle m’a donné l’adresse de façon très approximative. Ce qui est étonnant à Chaitén c’est que seule la carretera austral est éclairée la nuit. Cela rend ce rectangle de sept blocs sur cinq plus compliqué à explorer la nuit. Heureusement mon habileté à manier la langue espagnole me permet de me faire indiquer le chemin jusqu’au logement. Sylvia m’y accueille avec son mari. Ils me montrent ma chambre, la salle de bains et vont se coucher. Voilà.

La couverture du lit est épaisse et lourde. Ça tombe bien je viens de passer cinq heures sur le pont venteux d’un bateau.

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