Arrivée saison 2
15 et 16/11/17 Paris. Mantagua,Chile
Réveil chez Dorothée vers 5 h 45. Une première fois. 5 h 54. Une seconde. 6 h 03. Au moment où je m’apprête à snoozer (je ne sais pas comment franciser ce mot…) pour la troisième ultime fois, Dorothée sort de sa chambre, capuche jusqu’aux sourcils, visage baissé et se dirige machinalement vers la machine à café en marmonnant un « Salut », presque inaudible, à mon attention.
Pour information, nous allons ensemble à l’aéroport car elle part au Mexique et nos avions décollent, tous deux au terminal 2A, avec une heure de différence . Nous avons donc décidé hier de partager un taxi pour aller à Roissy.
Je sors de ma torpeur nocturne et je m’habille. J’ai pris soin hier de n’avoir que ça à faire en me levant, au cas où un “snoozing” excessif me mettrait en retard. Du coup, le départ étant prévu à 6 h 30, j’ai une petite demi-heure pour enfiler un caleçon, des chaussettes, un T-shirt, un jean, une polaire, une doudoune, mes Timberland et 3 sacs à dos. J’suis large. Je m’octroie même un café/clope/toilettes, la base de tout bon voyage…
Taxi. Chargement. Trajet. Nous voici au terminal 2A à Roissy. Le jour qui se lève au dessus des terminaux est devenu depuis toutes ces années de départs une sorte de rituel déclencheur des premiers frissons du voyage. Les émotions s’installent doucement, sans bousculade ni stress. Je me dis que les mois sont, encore une fois, passés vraiment vite. Mon séjour à Paris a duré le temps d’une respiration. Et puis je souris. Je retourne à la vie que j’aime. Les formalités s’enchainent comme une routine bien huilée et me voici à ma place dans l’avion. Paris, Londres, Miami, Santiago, Vina del Mar, Mantagua.
Un battement d’aile et me voici étendu dans le hamac sur la terrasse de Javi, profitant d’une température plus clémente que celle que j’ai laissée à Paris et du soleil chilien de fin de printemps. J’ai égaré un bagage en chemin mais cela ne perturbe en rien ma sérénité. Je suis même content n’avoir pas dû me le trimbaler dans les différentes escales depuis l’aéroport de Santiago.
Les parents de Javi sont ravis (oui facile celle là…) de me retrouver et ont préparé un festin pour l’occasion. J’ai apporté des calissons d’Aix et un pot confiture de coing de mi Mama pour Anita (la mère) qui est gourmande à souhait et une bouteille d’Oban pour Patricio (le père) dont le ventre et le goût des plaisirs de la table sont à la mesure (tour de bide) de ceux de très cher père. Tous deux apprécient le geste et s’empressent de faire honneur à leurs présents. Le bonheur ça n’attend pas.
Je commence à piquer du nez dès la fin du repas et il ne me faudra pas longtemps pour rejoindre ma chambre et savourer la première nuit du voyage.
17/11/17 Mantagua, Chile
Réveil en douceur vers 8 h par le chant des oiseaux ; je reste un peu au lit à bouquiner, je rêvasse en passant en revue les choses que j’ai à faire avant de reprendre la route. Je décide d’envoyer un message à Fabi (chez qui j’ai laissé ma moto) pour lui dire que je suis de retour en Amérique du Sud, mais il m’a précédé et me demande déjà quand j’arrive à Mendoza pour qu’il mette la batterie de la moto à charger avant mon arrivée et qu’on s’attelle aux modifications à faire. Buena onda. Je fixe mon arrivée à mercredi. Cela me laisse le temps de régler ce j’ai à faire : passer un peu de temps avec Javi et récupérer mon bagage manquant.
Le voisinage a eu vent de mon arrivée et nous sommes conviés à déjeuner dans la maison d’en face pour un petit asado préparé par Patricio.
Je remarque avec plaisir que je n’ai pas trop perdu mon espagnol, du moins dans la compréhension. Les mots mettent un peu de temps à venir mais mon envie, mes gesticulations et le soutien de mes hôtes rendent mes intentions accessibles. Ils s’accordent à dire que je suis un peu maigrichon et qu’il est temps pour moi de reprendre des forces avant d’attaquer la route… Et bim, saucisses, côtes de boeuf, intestins retournés (don’t ask…), porc, boudins, patates, salade, mayo maison et j’en passe.
Je crois défaillir… Mais je fais honneur à la superbe table et à la bonne humeur qui règne en ces lieux. Quand je lache finalement un « no puedo mas » du fin fond de mes intestins, un des convives qui restait discret en bout de table se lève, vient vers moi et me tend la main. Par réflexe amical, je tends la mienne qu’il empoigne fermement et dans un geste d’une vivacité surprenante pour un homme de son gabarit, il me passe les menottes… Monsieur fait partie de la police d’investigation et trouve ça très drôle de menotter les gens comme ça, pour rien. La tablée éclate de rire. Bienvenido en Chile !
Après le festin, la sieste est de rigueur.
Je suis tiré de mon sommeil par les aboiements de Polo le vieux labrador. Le pauvre gardien est bloqué et ne peut plus se relever du trou dans lequel il s’est coincé. Il a 14 ans et ses hanches sont quasiment paralysées par l’arthrose, ses déplacement font peine à voir. Javi vient me voir, à moitié en pleurs, en me disant « Je crois qu’il est temps… Je vais appeler le vétérinaire pour qu’il vienne demain. » Je la console du mieux que je peux, moi qui n’est jamais eu d’animaux, mais elle est forte et ce n’est pas son premier chien. La vie et la mort sont intimement liées me rappelle-t-elle.
Après l’asado du midi, le soir, je me contente d’une petite soupe qui me suffira pour basculer une fois de plus aux pays des rêves sans grands efforts.