El pueblo fantasma

26/11/17 Santiago, Chile – Uspallata, Argentina

Je quitte l’hostel vers 9 h 30. C’est dimanche matin, les rues sont vides, seuls quelques sans-abris hurlent pour encourager les coureurs dominicaux méritants.

Chemin inverse.C’est toujours surprenant de voir comme les paysages changent suivant que l’on va dans un sens ou dans l’autre. Je suis parti avec seulement un tee-shirt sous mon blouson car il fait déjà 25 degrés. En arrivant aux premiers cols de la Cordillère, je commence à regretter mon choix. La température descend au fur et à mesure que la route s’élève et le vent andin vient amplifier le petit courant d’air qui me refroidit les hanches. La frontière est à 3200 m d’altitude. Autant dire que je me les gèle en arrivant là-haut (non, je n’ai pas pris le temps de m’arrêter, redéfaire mes bagages et prendre un pull, je le ferai à la frontière quand ils me feront vider mes bagages).

La redescente de la Cordillère est sensationnelle. Je vois et sens quand même beaucoup plus de choses qu’en bus.

 

Me voici de retour à Uspallata, déjà bien avancé sur la réserve d’essence.

Direction la station-service où deux argentins en BMW GS 1200 suréquipées, sans même une trace de poussière, viennent me voir en me posant les questions habituelles.

— De France.

— Oui, la moto aussi.

— Par bateau.

— C’est mon deuxième tour, le premier à duré 7 mois.

— Tout le sud du Chili et de l’Argentine.

— En Colombie.

— Le temps qu’il faudra.

— Non, 650cc c’est parfait.

— Et vous ? Vous faites un peu de piste ? Non ? Ça abime les motos.

— Je comprends.

Que le vaya bien.

Plein fait. Cette fois-ci j’ai tout ce qu’il faut. Il est 15 h. Le soleil est brulant.

Je mange un bout et repars sur le ripio (piste) à travers les montagnes. Première fourche à gauche, deuxième fourche à gauche, me voici là où je m’étais fait stopper par les soldats. J’avance.

Bon signe (ou panneau, au choix)… Nouvelle fourche. Côté gauche un peu plus haut, j’aperçois un toit de maison. Je fonce. Pas un bruit. Je m’arrête et j’ai un frisson. Les murs sont criblés de balles, les maisons délabrées, la plupart sans toit. Mais ça ne ressemble pas aux photos que j’ai vues et… il n’y pas de mine.

C’est peut être plus loin. Je continue sur quelques kilomètres. Nouvelle fourche. À droite il y a clairement une mine, mais les traces fraiches de camions m’indiquent qu’elle n’est pas désaffectée. Et… il n’y pas de village.

Je décide de prendre à gauche.

Après quelques centaines de mètres et deux glissades rattrapées de justesse, la piste se transforme en un mélange de sable et de gravillons non tassés dans lequel je m’enfonce. J’ai dû me planter quelque part. Je rebrousse chemin.

Je reviens jusqu’à la fourche avant le premier village et prends à droite. La piste est meilleure et après quelques kilomètres, je tombe sur un autre village (quand je dis village, c’est 6 maisons…) abandonné. Avec une mine. Je m’arrête et vais explorer.

L’intérieur des maisons fait frémir. Des cartouches de mitrailleuses, des tags partout, des cibles grossièrement dessinées sur les murs, des impacts de balles, par terre une poupée martyrisée de manière effroyable.

J’ai des frissons à chaque pas. Le bruit d’un sac plastique pris dans un fil de fer ou d’un tintement métallique de cannettes accrochées ensemble à un mur, donne à l’atmosphère, déjà morbide du lieu, des allures de film d’horreur. Le moment où l’on se demande pourquoi le mec ne se barre pas tout de suite en courant.

Je fais le tour d’une des maisons et vois du pain posé par terre. Plusieurs morceaux. Ils ne peuvent pas être vieux…

Re-frisson. Juste à côté se trouve une sorte de puit. Je m’approche et regarde. Je ne vois pas le fond. Je jette une pierre. Un bruit très lointain après plusieurs secondes.

Tout un tas de suppositions atroces m’envahissent.

Accord Toltèque : pas de suppositions. Je m’éloigne.

J’ai une mauvaise impression sur cet endroit. Comme si quelque chose de mal s’était passé ici. Bruit métallique derrière moi. Un rocher poussé par le vent est tombé sur une plaque de fer. J’ai le cœur qui bat la chamade. Je suis pétrifié.

Je regarde à 360 degrés et ne reconnais toujours pas ce que j’ai vu en photo.

Je décide de continuer mes recherches. Encore une fourche. Je pars à droite mais la piste devient dangereuse. Demi-tour. Je prends à gauche. Un ou deux kilomètres et je reconnais l’endroit au premier coup d’œil. J’y suis. C’est le bon.

Je me lance dans l’exploration des lieux, tout de même moins sinistres que ce que j’ai vu précédemment. Je sors l’appareil et pars « mitrailler » à mon tour.

Je décide de passer la nuit là.

Je cherche du bois, mais dans le désert il n’y a pas grand chose. Des cadres de fenêtres abandonnés, une poutre de charpente et des bambous de toits écroulés feront l’affaire.

La nuit tombe au doux son des crépitements du feu. Je fais bouillir de l’eau sur les braises (le camping-gaz c’est surfait…) et me prépare une bonne plâtrée de pâtes. À la sauce piquante. Une cuillère de dulce de leche sur un morceau de pain et me voici repu.

Je vais m’essayer à la photo de nuit car la demi-lune, au dessus de moi, renvoie une belle lumière.

Une dernière en haut de la colline et je rentre dans ma tanière.

 

BONUS VIDEO

 

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