La Pampa del Leoncito

27/11/17 Pampa del Leoncito

J’ai passé une nuit de merde. Moi qui espérais entendre ou voir des pumas, je n’ai eu qu’un vent incessant qui a frappé la tente toute la nuit, soulevant une poussière, fine comme de la cendre, qui a réussi à s’infiltrer dans mon antre par les aérations et la moustiquaire. Les bourrasques faisaient battre le bas de la toile de l’igloo en un bruit ininterrompu et irrégulier. Flap, flap, flap. J’ai mâché et respiré de la poussière jusqu’à mon réveil.

Les yeux encore collés par le manque de sommeil, je m’aperçois que tout l’intérieur de la tente est recouvert d’une fine pellicule de poussière comme si il y avait un volcan en éruption pas loin (je pense que ça m’aurait réveillé, quand même…).

Mon sac était grand ouvert, le casque est rempli, la trousse de toilette pareil… Je commence par chercher désespérément la bouteille d’eau. Je la vide à moitié. La poussière croustille sous mes dents et j’en ai les narines remplies. Je sors de la tente et prends, cette fois, le réchaud à gaz pour me faire un café. Je m’occuperai de la tente après.

Je “comate” les yeux mi-clos en attendant que l’eau bout. La lumière blanche matinale est vraiment violente. Le café est prêt. J’avale une première tasse et coupe une tranche de pain sur laquelle j’étale une bonne couche de dulce de leche. J’ai la gorge un peu irritée mais quand même, quelle expérience… J’allume une clope. Mes yeux commencent à s’ouvrir. Je m’étire et me dirige vers la “Grand rue”, mon deuxième café à la main. Je regarde les environs, perdu dans mes pensées, avec pour seul accoutrement mon caleçon et mes bottes de moto. Je suis bien là, il ne fait pas encore trop chaud, le silence est total, le ciel est clair et le vent s’est dissipé.

Je termine ma tasse et me lance dans le nettoyage de la tente et des affaires. Je mets une bonne heure à tout ficeler. Tout est prêt. Je contemple une dernière fois le pueblo et enfourche la moto. 100 m après mon départ, je vois une forme bouger sur le talus à côté de moi. Un zorro gris (renard des montagnes) me suis parallèlement à la route. Je m’arrête. Il s’arrête. Je le regarde. Il me regarde. J’incline la tête. Il incline la tête. Je sors l’appareil. Il descend de son talus, pas farouche pour un sou, se plante à quelques mètres devant la moto et prend la pause. Clic.

Je redémarre la moto et il déguerpi. Décidément pleine de surprise cette montagne. Je refais le chemin dans l’autre sens sans risque de me perdre puisque les fourches sont inversées. J’ai donc juste à me diriger vers l’ouest. Je repasse devant la Colline aux sept couleurs. Autre lumière, autre photo.

Pause ravitaillement à Uspallata et je file pour La Pampa del Leoncito. Une petite centaine de bornes pleines de courbes et de cailloux et j’aperçois au loin l’étendue blanche au pied de la Cordillère. J’accélère et en quelques minutes je me retrouve au milieu, ébloui par la réflexion du soleil. C’est une plaine sèche parfaitement lisse d’environ 10 km de long sur 3 de large, créée par l’évaporation d’un bassin lacustre au début de l’Holocène. La couleur des sédiments superficiels est blanchâtre et correspond aux limons et aux argiles de cimentation saline. (C’était l’instant culture).

J’ai bien envie de planter ma tente au milieu mais les nuages noirs qui descendent doucement du massif andin me font douter. Je n’ai pas du tout envie de me retaper une nuit de vent et de poussière… Koky m’a parlé d’un camping et d’un observatoire dans le parc naturel à 7 km de là. Après avoir fait un peu le con au milieu du défunt lac, je me dirige vers les montagnes colorées à l’est.

Je trouve le camping sans difficulté ; tout est balisé et bien rangé. C’est presque trop facile. Je passe m’enregistrer chez le guardaparque. Nous échangeons des informations en secouant nos mains devant nos visages tellement les mouches sont agressives. Je me disais bien que c’était trop facile… Je lui demande comment ça se passe avec les insectes. Il me répond que c’est la saison et que les nombreux eucalyptus les attirent en masse. Ok, ok.

Je vais poser ma tente sur l’un des 20 emplacements (tous vides) prévus à cet effet. Il y a vraiment beaucoup de mouches. Je suis calé. Il me manque juste une petite bière. Glups. Je viens de gober une mouche. Je me racle la gorge et la recrache. Ça va être compliqué…

Je repasse chez le “ranger” pour lui demander où je peux trouver une cervoise. Barreal, à 20 km. Barreal, it is. En chemin je remarque que les nuages sont bien descendus et que des trainées de pluies sont visibles au loin. J’arrive au pueblo et me perd un peu pour mon plus grand plaisir car je découvre que le village est rempli de saules pleureurs, arbre que j’affectionne particulièrement. Je demande mon chemin et, en continuant à flâner et à apprécier ce petit cadeau de la nature, je trouve finalement un kiosco (épicerie locale). J’attrape rapidement une Quilmes et je retourne vers les montagnes un peu inquiet car, au loin, les trainées de pluie qui dévalent du ciel semblent cibler ma route et ma tente.

À mi-chemin je suis sous les trainées de pluie, mais… pas de pluie. Comme si elle s’évaporait avant de toucher le sol. À peine avant d’entrer dans le parc naturel, je prends quelques gouttes. Juste assez pour que tous les parfums de la nature, contenus par une sècheresse prolongée, se libèrent. C’est l’explosion des odeurs, les eucalyptus, la terre, les fleurs, toutes ces senteurs me parviennent par vagues. Et moi qui suis loin d’avoir un odorat exceptionnel, j’ai l’impression de discerner chaque parfum. Quel plaisir.

Fin de la parenthèse, retour aux mouches. J’hésite à cuisiner, je me dis que ça va être Carnaval si je sors de la bouffe. Je vais attendre un peu que le soleil se couche, elles devraient se calmer. J’espère. En attendant, bière et cacahuètes sont les bienvenues. J’écris un moment assis devant les toilettes (seul endroit où il y a une prise…) et reviens à ma tente au crépuscule. Effectivement, plus de mouches. En revanche, il fait bien froid. Je dîne rapidement, rentre dans ma tente, chasse les derniers insectes et me mets au chaud dans mon duvet.

 

28/11/17 Parque natural El Leoncito, Argentina

Réveil vers 7 h 30. Trop tôt, j’étais pas prêt, je replonge. Nouveau réveil vers 9 h, c’est l’étuve. Je m’extrais de mon duvet en nage, ouvre la tente et là, c’est l’agression. J’ai l’impression d’être Justin Bieber à la sortie d’un concert… sauf que ce sont des mouches et non des ados hystériques. Café. Comme un idiot, tenaillé par la faim, j’ouvre le pot de dulce de leche… C’est la ruée, il y en a partout, si j’ai le malheur d’y plonger ma cuillère, je vais manger de la mouche au petit déjeuner c’est sûr. Tant pis, j’ai faim. Deux tartines plus tard, c’est devenu insupportable. Je referme le pot en chassant les mouches avec la puissante flamme du réchaud à gaz. Mouahaha, ça rigole moins là !

J’emmène la moto à l’ombre et m’occupe de graisser la chaine et vérifier l’huile. Je retourne ensuite à côté des toilettes avec ma multiprise (très important quand tu es 2.0) et mes batteries à recharger (GoPro, Scala rider, ordi, iPhone et mini-batterie externe. Rien que ça.)

L’avantage, c’est que je suis seul au camping et que personne ne va grogner si je monopolise la prise.

Un peu plus tard, je pars pour un petit trek dans les montagnes afin d’aller voir une cascade. Il fait très chaud mais la marche n’est pas très longue et l’endroit est joli.

 

 

Je passe un peu de temps à lire à l’ombre d’un arbre près de la cascade. Les mouches ne semblent pas connaître l’endroit, j’en profite.

 

Je rentre doucement, en nourrissant mes cinq sens de la nature environnante. Je passe à la cabane du gardien des lieux et lui demande si les deux observatoires que j’ai repérés en haut des montagnes sont ouverts au public. Oui. Il m’indique la route et me précise qu’il faut y être vers 20 h 30. Très bien. Petite douche, petit “mouchicide”, plat de pâtes et me voilà parti. Je m’arrête en chemin sur un mirador pour admirer le couché de soleil sur les Andes. Je ne m’en lasse pas.

L’astronome sort de la cabane vers 21 h et explique que, même si le ciel est bien dégagé, le vent et la lumière de la (demi) lune n’en font pas une nuit idéale pour l’observation. Mais on va tenter quand même. Nous marchons jusqu’à une plateforme où sont installés deux télescopes. Un gros et un très gros. Ils sont déjà calés sur des constellations. Je mets l’œil dans le viseur. Je vois un peu plus qu’à l’œil nu, mais ce n’est pas incroyable. Il bascule l’appareil sur la lune et là… Là c’est dingue, je distingue tous les cratères et toutes les nuances de gris qui couvrent sa surface.

C’est sublime. Et très éblouissant ! Je passe les dix minutes suivantes avec un rond vert au milieu de l’œil droit. Mais je suis content de ce que j’ai vu. C’est différent d’avoir l’œil dans l’objectif. Ça devient réel. Je regarde les montagnes autour, éclairées par la lune, et c’est époustouflant ; je vois à des centaines de mètres.

Je prends la route du duvet en me disant que j’ai vraiment de la chance.

 

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