Les routes d’Uruguay

23/12/17, Uruguay

Je quitte Buenos Aires ce matin, l’appel de la route commence à se faire entendre un peu trop fort, malgré tout ce que je pourrais encore faire ici. De plus, trois semaines en ville ont largement entamé mon budget ; mais ça valait le coup, on n’a qu’une vie. Au lieu de prendre le ferry jusqu’à Montevideo, je décide d’entrer par l’ouest en Uruguay en longeant le fleuve éponyme via Colón. Les derniers jours à Buenos Aires ont été très chauds et très humides. Je profite donc de l’orage et de la pluie tombée cette nuit et qui ont rafraichi l’air. Moto chargée, plein fait, huile au max, chaine graissée et je me lance. Personne dans les rues. Samedi matin, veille de Noël, tout est en ma faveur pour une route dégagée. Environ 300 km me séparent de la frontière. C’est de l’autoroute tout le long et le paysage n’est pas exceptionnel. Un trajet chiant quoi.

J’entrecoupe de cafés-clopes et arrive au poste frontière sans incident, ni aventure, ni rien du tout. Le vrai trajet de merde. Du coup, en entrant dans le pays, je me dirige naturellement vers les routes les plus pourries pour me redonner du baume au cœur. Je suis servi. Les routes sont des patchworks de goudron. Ça gigote dans tous les sens, il y a des nids de poule partout. Je me sens mieux. La conduite redevient intéressante. J’ai repéré un chemin de fer désaffecté qui mène dans le centre du pays. La route qui serpente autour me plait énormément. Je m’enfonce dans la campagne verdoyante et plate (très plate, genre Belgique en plus plat). J’y croise beaucoup de chevaux et… rien d’autre. On m’avait prévenu, dans le centre il n’y pas grand chose. Mais ça me va bien après trois semaines de ville. Par contre, il faut que je fasse gaffe à l’essence parce que les villages sont très espacés et il n’y pas toujours de station-service. Donc, voilà, il n’y a rien mais c’est beau.

 

 

 

 

J’arrive en fin d’après midi à Guichón après avoir fait le serpent sur toutes les petites pistes que j’ai pu trouver. À mon arrivée dans le village chaque personne, dont je croise le regard, me salue d’un signe de main ou d’un sourire. Très courtois ces Uruguayens. Je m’arrête dans une épicerie pour une bière et des cacahuètes (on n’oublie pas les bases) et demande au vieux monsieur à barbe blanche qui me rend ma monnaie s’il connait un endroit où je pourrais planter ma tente. Il me répond et je me fige. Je n’ai compris aucun des mots qu’il a prononcé. Aucun. Devant ma mine interloquée et mon silence, il me sourit et prend un bout de papier pour me faire un plan. Il reprend plus doucement et cette fois-ci je percute. À côté du terrain de foot il y a un endroit. Il clôt la conversation par un aimable bienvenido. Je le remercie et lui rends son sourire. Décidément très gentils ces autochtones. À l’arrivée au stade de foot municipal (oui, ce n’est pas le Parc des Princes, on est au centre de l’Uruguay), je m’aperçois qu’il y a un match en cours et que l’ambiance bat son plein. Je contourne le mur qui entoure le stade et il y a effectivement un grand espace vert qui sera parfait pour camper.

 

 

Je décharge et monte ma tente. C’est vers minuit, au son de la cumbia qui sature les enceintes, que je me demande si le stade était un si bon plan…

 

24/12/17 Guichón, Uruguay

Comme si ma nuit n’avait pas été assez courte, je suis réveillé vers 7 h par les perruches dont les nids sont, bien évidemment, dans les arbres juste au dessus de ma tente… J’ai des envies de sarbacanes, mais je me dis que c’est quand même plus sympa que des bruits de moteurs ou de klaxons.

 

 

Je sors de la tente et passe un petit moment à les observer en préparant mon café. Il fait bon, il n’y a pas un nuage ; un temps à explorer avant que la chaleur monte. Je fais un semblant de toilette, range tout mon bazar et quitte le village des footeux en furie. Je pars vers l’est sans vraiment savoir où je vais, je laisse le hasard et l’instinct décider. Ces moments d’errance, dépourvus de toute contrainte, sont remplis d’une sensation de plénitude et d’exaltation dont je me délecte. Plus aucune pensée, plus aucun parasite, l’horizon à perte de vue, l’odeur des herbes sèches, le soleil qui me grignote les pommettes, les pierres que j’entends voler sous mes roues et la poussière sur le bout de ma langue, rien d’autre (ça fait un peu perché comme ça, mais ça recentre bien).

 

 

J’erre donc sur ces sentiers dans une béatitude totale jusqu’à ce que je sente les premiers éternuements du moteur dûs au manque d’essence. Jamais tranquille, putain…

J’ouvre la réserve et prends le chemin de ce qui semble être un gros village sur la carte. Bingo. Plein fait, je me rends compte que je me suis lancé vers le centre avec 1 500 pesos uyu soit 45 €. Ce n’est pas grand chose. Nouvelle mission, trouver un distributeur. Plus compliqué dans les petits villages. Je demande à la fille de la station-service si elle aurait des infos à ce sujet. Elle me dit qu’elle croit que peut-être, mais c’est pas sûr, qu’il y en aurait un à San Gregorio. Bien. C’est parti pour San Gregorio. Je vois sur la carte que le village se situe sur la rive d’un énorme lac. Je me dis qu’un petit bain pour Noël serait un beau cadeau. Ce sera donc mon étape. Sympathique comme tout San Gregorio.

 

 

Plage de sable blanc, eau à 26°, camping gratuit et wifi gratuit dans le centre. Je ravitaille, trouve un endroit en face de la plage pour la tente et file me tremper. Tout arrive à point.

 

 

 

 

Ce soir , olives ET cacahuètes (je sais, je vais trop loin) à l’apéro suivi de riz, chorizo, tomates, courgettes (le fou). Tout ça le cul dans le sable, sous les étoiles.

Joyeux Noël.

 

25/12/17 San Gregorio de Polanco

Réveil calme, petit café devant le lac, je plie bagages et me rends sur la place du village pour un peu de wifi. Les vœux de Noël à tout le monde et je reprends mon errance uruguayenne. À peine sorti du village, il faut prendre un bac pour traverser le lac. Les quatre camperos qui s’en occupent n’ont pas l’air pressés. Tous en bleu de travail, incrustés dans leurs chaises de fortune, ils sont en train de boire le mate et semblent tenir une sérieuse gueule de bois. Je m’installe donc sous un bateau (en réparation, donc sur des cales et surélevé, sinon ça n’a pas de sens) à l’ombre, en les attendant. Ils m’ont annoncé 5 minutes qui se transforment vite en une demi-heure. Qu’importe, je ne suis pas pressé et le paysage est joli malgré la chaleur qui commence à monter.

 

 

 

Ils arrivent finalement et commence à discuter moto en regardant la Wachita (ça s’écrit “Guachita”, ça se prononce “Wachita” mais c’est plus stylé de l’écrire avec “Wa”, et le style c’est important). Ça me surprend toujours autant de voir à quel point ce véhicule est un moyen de communication international. Ça facilite vraiment les contacts. Nous passons donc 10 minutes à échanger. L’un d’entre eux a beaucoup de dents en moins, et cela, ajouté à sa rapidité d’élocution, fait que je peine un peu à tout suivre, mais l’idée est là. Je rejoins le bac avec la moto et la grande traversée de 300 mètres commence. L’ombre manque cruellement sur la plateforme même pour quelques minutes.

Me revoici avec le vent dans le visage.

 

 

Rien de bien fou sur la route. Quelques charognards, interrompus dans leur déjeuner sur leur assiette de terre, s’envolent en me voyant arriver. Certains oiseaux tentent de me prendre de vitesse mais c’est mort, je règne sur la route (en même temps je suis tout seul, c’est pas dur). De temps en temps un lièvre se sent pousser des cojones et se dit qu’il ne peut rien lui arriver en traversant devant mes roues. Les chevaux qui broutent sur les bords de piste n’ont, eux, strictement rien à battre de mon passage. Tout cela me rend de bonne humeur, me détend et me procure un sentiment de sérénité.

Je suis parti pour faire escale à Sarandi del Yi, mais, certainement perdu dans mes pensées, je loupe le virage qui doit m’y mener et me retrouve à rouler vers l’ouest. La flemme de faire demi-tour. Je décide de continuer jusqu’à Florida. C’est une grande ville mais j’ai besoin d’huile pour la moto, introuvable dans les petits pueblos. Une école. Elles sont très importantes sur la route, car synonymes de wifi gratuit comme les stations-services. Ça aide quand tu veux avoir une idée de l’endroit où tu es.

Je repère les croisements et les rues où je dois tourner. Il reste 80 km. Je trouve un hostel sans trop d’encombre et reprends forme humaine sous une bonne douche.

Ce soir ce sera pizza/bière à l’ancienne au restau/ciné à côté de l’auberge.

 

 

Des affiches de Starwars sont placardées partout. L’idée fait son chemin pendant que je dévore ma pizza et d’un coup, ça me démange. Soirée Starwars ? Pourtant je ne vois pas d’horaires affichés. Pour en avoir le cœur net, je me lève et vais demander à celui qui semble être le gérant du lieu. Il m’explique que le ciné est fermé jusqu’en janvier. Rhaaaa (cri de l’homme un peu déçu mais repu alors ça va quand même). Je retourne dans ma chambre où l’oreiller m’attend de plume ferme (littéralement, c’était un bloc de béton le coussin).

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