Saison 3 – Prologue
24 octobre 2018, Santiago de Chile
J’arrive à Santiago ce matin un peu éclaté mais heureux après 8 h de vol de Paris à Toronto, 7 h d’escale et 10 h 30 de Toronto à Santiago.

Je connais désormais la procédure sur le bout des doigts. Quelques heures plus tard, je suis accueilli par Javi et sa famille. Chaleureusement. Ils sont devenus mes premiers rayons de soleil lorsque j’arrive en Amérique du sud. En chemin j’ai pris mon billet de bus à destination de Mendoza pour un départ dès le lendemain matin. J’ai tellement hâte de retrouver ma moto…
Diner en famille, bonne humeur et belles histoires. Je termine épuisé sous l’épaisse couette de mon lit.
25 octobre 2018
Je démarre tôt avec Javi qui elle part travailler à Santiago. Bus local jusqu’au terminal de Viña, puis car jusqu’à Mendoza. Le trajet prend plus de temps que prévu. La douane à la frontière fait du zèle et contrôle tous les sacs. Nous prenons beaucoup de retard, mais la route, désormais familière, reste magnifique et compense ce désagrément. Quel bonheur de me retrouver dans la Cordillère une fois de plus.

J’arrive donc à Mendoza vers 19 h au lieu de 14 h. Fabi, chez qui ma monture m’attend impatiemment, n’est plus disponible. Nous remettons les retrouvailles à demain. Petit en-cas traditionnel et nuit calme.

26 octobre 2018, Mendoza
Fabi passe me prendre vers 11 h et je retrouve enfin ma belle avec une joie débordante. Et un brin de soulagement aussi car ces couillons, avec la coupe du monde et le fameux match France-Argentine qui leur est resté en travers, s’amusaient régulièrement à m’envoyer des messages pour me dire que ma moto avait brulé suite à des émeutes anti-français… Mais non elle est bien là, prête à croquer le nord du continent.

Fabi me demande quand je repars et je lui dis “Le plus vite possible”, pressé que je suis de voir la jungle. “Tu ne vas pas partir comme ça ! Il y a asado de motards ce soir chez un ami”. Le mec a des arguments. Je reste. L’asado argentin est exactement ce dont j’ai besoin pour me remettre dans le bain.
Après avoir été faire tourner la Guachita quelques heures, je reviens chez Fabi et nous partons chez Nelson pour la dégustation. Je fais la connaissance d’une dizaine de motards. Les histoires vont bon train et l’asado embaume la terrasse d’une délicieuse odeur de viande grillée. Mon ventre gargouille…


Fabuleux diner plein de rires et de bonhommie. Les Argentins sont vraiment chaleureux.
27 octobre 2018, retour au Chili
Je prends la route ce matin en même temps que Fabi qui part faire un tour en tout-terrain avec des potes pendant quelques jours.

Je reprends avec plaisir la superbe route vers Santiago.

Juste après la frontière il y a un passage pour redescendre vers la vallée chilienne qui se nomme Caracoles. La route aux 47 épingles.

Je suis arrêté dans ma descente par un camionneur qui m’explique que son chargement s’est décroché sur la chaussée et que, malgré les pierres mises sous les roues pour le stopper, il continue de glisser doucement vers le ravin. Il me demande d’aller prévenir les carabineros dont la caserne se trouve en bas pour leur expliquer l’histoire. Je fonce.

Je les croise, déjà prévenus par d’autres camionneurs, ils sont en chemin avec le treuil. Suerte.
Route sans encombre jusque chez Javi. Je dine avec ses parents et commence à préparer mon départ.
28 octobre 2018, Mantagua
Je passe mon dimanche à écrire et dormir. Le voyage m’a quand même un peu fatigué et j’ai besoin de reprendre des forces.
29 octobre 2018, Mantagua
Aujourd’hui je vais à Santiago acheter des pneus neufs car les miens sont en bout de course. Je trouve un endroit où ils vendent le fameux Heidenau K60. La Rolls du pneu de Touring.

Je vais les faire installer dans un petit garage non loin de là.
Ça y est, je suis fin prêt. Je retourne à Mantagua. Javi est rentrée de Santiago. Depuis que je l’ai vue il y a 6 mois, elle a décidé de se mettre à la batterie. Un peu incrédule je demande à entendre. Surprise. Madame gère parfaitement !

30 octobre 2018, Mantagua
Nous partons faire une balade à Zapallar, Playa de las Curjas. C’est splendide, les maisons à flanc de falaise sont toutes plus belles les unes que les autres. L’endroit est vert et calme. Une petite baie aux eaux turquoises calme les ardeurs du Pacifique qui se déchaine au sortir de la crique. Nous prenons un chemin longeant l’océan pour remonter jusqu’au village. Javi, en bonne guide, explore un futur terrain de jeu, et je suis le cobaye. Le chemin se transforme vite en “crapahutage” dans les rochers polis par le sel et les vents. Les jardins sont fleuris et les embruns empreints du parfum des fleurs printanières.


L’océan Pacifique m’impressionne toujours autant. En contradiction avec son nom, il donne une impression de colère sourde permanente. Prêt à emporter tout ce qui osera l’affronter.

Une heure et demie plus tard nous trouvons une petite plage qui nous permet de remonter. Plus une petite crique qu’une plage d’ailleurs…

De retour à la maison, je lance une dernière maintenance de la moto. Niveau d’huile, tension de chaine, pression des pneus. Elle est fin prête et moi aussi. J’ai tellement hâte d’être sur la route… Demain je mets les voiles.
31 octobre 2018
Je suis réveillé aux aurores, excité comme une puce. Après le petit déj’, je charge la bête et revêt ma tenue de voyage. Mon pantalon de moto commence sérieusement à porter son histoire. J’en suis à 8 cicatrices recousues ; j’espère qu’il tiendra jusqu’au bout. Je bise et j’accole toute la famille, ils vont me manquer. Le moteur tourne comme une horloge. Il est temps.
La première partie de la route va être monotone et peu intéressante alors je bombarde mes 400 premiers kilomètres pour rejoindre la Ruta de las Estrellas (littéralement) dans la Valle de Elqui, conseillée par Javi. Je bifurque vers l’est après La Serena et m’enfonce vers les montagnes. La route est calme et bordée de vignes. Je passe un barrage et débouche sur un lac. Petit moment de contemplation et je continue ma route.

Je pose ma tente à Vicuña, petit village d’où partent de nombreux chemins pour l’attraction principale : observer les étoiles. En effet, l’endroit ne subit que très peu de pollution lumineuse et sa situation, entre la Cordillère et le désert, le préserve des ciels nuageux. Je n’ai plus l’habitude de rouler aussi longtemps. Je capitule vite sous le ciel étoilé.
1er novembre 2018, Vicuña
Premier réveil en tente du voyage. Je prends mon temps. Je fais chauffer de l’eau pour mon café. Je le sirote en contemplant les montagnes qui bordent le village. Je serais bien resté plus longtemps, mais le Chili coute cher et j’ai hâte de retourner où je m’étais arrêté en février.

Je reprends la route vers la côte à travers les collines. Le temps reste gris et couvert sur le littoral alors que, quelques kilomètres à peine à l’intérieur des terres, c’est le grand bleu. Je suis maintenant aux portes du désert, le paysage est devenu sec et rocailleux, je sillonne une petite route de terre au milieu des montagnes. Tout ce que j’aime. Virages serrés, dénivelés et grands espaces. Je vais enfin pouvoir tester mon drone. Je m’arrête dans un espace dégagé et programme l’engin pour qu’il me suive, vérifie tous les réglages et l’envoie dans les airs pour sa première reconnaissance sud-américaine.
La “plantade”. Je n’ai pas remarqué que je m’élevais en roulant, or le drone, lors du suivi, reste à une hauteur constante… Étant au milieu de rien je n’ai pas de signal GPS donc impossible de le localiser. Je sais juste qu’il s’est crouté sur ma droite, quelque part au milieu du désert à une centaine de mètres de ma position.
La video tourne toujours et je vois bien qu’il n’est pas dans le bon sens. Il est échoué dans un buisson. Je parcours le terrain en long, en large et en travers.
Rien.
Sa couleur grise se fond dans le paysage. J’essaye de le faire redécoller mais rien n’y fait. Il a l’air coincé. Sur le retour video je discerne la forme d’une montagne au loin. Je la repère d’où je suis et essaye de trouver le bon axe.
Rien.
Je décide de désactiver et de réactiver le détecteur d’obstacle pour lui faire émettre un son.
Rien.
Je me repasse la video pour avoir une meilleure idée de l’endroit du crash mais le grand angle fausse la perception.
Je suis à bout de ressources quand je tombe finalement dessus par hasard. J’ai de la chance, rien de cassé, il a atterri dans un buisson sans toucher le sol. Grosse sueur…
Je décide de faire une nouvelle tentative, à l’arrêt cette fois pour avoir une vue d’ensemble. C’est mieux. Mélangé à la Gopro, ça commence à prendre forme, mais je pense qu’il faut beaucoup plus de rushs pour un résultat satisfaisant.
Je sors des montagnes peu avant le coucher du soleil. Un peu hésitant je me demande si je ne ferais pas mieux de me poser pour la nuit avant de repartir vers la côte. À court d’essence et fatigué, je trouve des cabañas (bungalows) pour me loger à Freirina. La propriétaire est chaleureuse et m’offre une grande cabaña pour le prix d’une petite. Charmante.
2 novembre 2018, désert d’Atacama
Aujourd’hui j’entre dans les grands espaces de l’Atacama.



En fin de journée, j’entre dans le Parque Natural Pan de Azucar. Paysage merveilleux. Je trouve une petite plage où planter ma tente. Je vais grimper un peu sur la falaise à côté de la plage pour la vue d’ensemble. Couché de soleil sur la mer et dodo.


3 novembre 2018, désert d’Atacama
Je continue ma remontée express du Chili. Un peu trop express apparement car ma chaine éclate sur une interminable ligne droite désertique. Sans ombre. Je récupère ma chaine sur la route et descends la moto sur le bas-côté pour constater les dégâts. La petite couronne a un pignon cassé et le bloc moteur a pris un bon coup de fouet.

J’ai une chaine toute neuve, mais je ne veux pas l’utiliser avant le Salar d’Uyuni qui risque d’être violent pour la mécanique. Je décide donc de la rafistoler avec des maillons de chaine que j’avais gardés au cas où. L’opération me prend deux bonnes heures. Je fris sous le soleil montant de la fin de matinée. Quelques minutes après avoir tout remonté, un couple à moto s’arrête pour me porter assistance.
Ils sont vénézuéliens. Je leur explique ce qui vient de m’arriver et ils insistent pour m’escorter jusqu’au prochain village au cas où la chaine sauterait de nouveau. Délicate attention de leur part. Nous nous arrêtons une cinquantaine de bornes plus loin à une station essence. Apparement mon bricolage tient le coup. Je discute un peu avec eux de la situation de leur pays et en profite pour glaner des informations sur ce qui se passe aux frontières. Ils m’expliquent que le côté colombien est tenu par les narco-trafiquants et qu’il ne faut pas y aller. En revanche le coté brésilien est apparement sans encombre, ils sont passés par là il y a 15 jours et c’était très calme.
Nous reprenons chacun notre route après une chaleureuse accolade et des souhaits de bon voyage.
Direction Antofagasta. Je trouve une chambre en ville. Je suis un peu KO après mes premiers 1500 km. Je vais m’accorder une journée de repos.

4 novembre 2018, Antofagasta
Aujourd’hui je ne fais rien. Absolument rien. Je me lève tard. Je me recouche après le petit déj’, j’écris, je sieste, je ré-écris, je mate un film, je sors acheter trois empañadas, un autre film, je ressors voir le couché de soleil, je me recouche. Bref, aujourd’hui, j’ai cent ans.

5 novembre 2018, Iquique
Destination Iquique, qui sera a priori ma dernière étape avant la Bolivie. Élise m’a donné le contact d’Hector là-bas. Encore un motard à qui j’ai envoyé un message et qui m’attend pour m’informer sur la ville, ses environs et la frontière bolivienne. Cette fois-ci je longe vraiment la côte à flanc de dune. La vue plongeante est impressionnante.

J’entre dans la région de Tarapacá au Chili. J’arrive en fin d’après-midi à Iquique. Ville toute en longueur coincée entre le désert et l’océan, elle bénéficie d’une zone franche qui attire tout le pays.

Je rencontre donc Hector et nous faisons connaissance autour d’une bière. C’est une mine d’informations précieuses sur la ville. Il m’indique où trouver tout ce dont j’ai besoin. Huile, pièces de rechange, hostel ; il m’indique aussi où sont les derniers endroits où je pourrai trouver de l’essence avant la frontière et le meilleur chemin pour m’y rendre. Nous discutons aussi voyage, moto et vie de nomade. La nuit est déjà bien avancée quand nous terminons notre conversation et nos bières. Une belle rencontre.
6 novembre 2018
Aujourd’hui j’explore la zone franche au nord de la ville pour trouver tout ce dont j’ai besoin. C’est un joyeux bordel cette zone franche, grands centres commerciaux, garages, vêtements, pièces détachées pour tous véhicules, kebabs et dvd pirates, tout y est. Une mini-ville de bonnes affaires. Malgré les indications d’Hector, il me faut la journée pour m’y retrouver dans ce labyrinthe. Finalement, en début de soirée, je suis fin prêt pour entrer en Bolivie.
Demain le voyage commence.