Cosmos, gang et gicleur

21 janvier 2018, Parana, Brazil

Je regarde la carte pour trouver mon trajet du jour en prenant mon petit déjeuner. Je repère un itinéraire qui a l’air joli. Petite route de campagne au milieu des champs de soja (culture principale de la région avec les bananes) et traversée d’un fleuve par bateau. La route fait un détour par rapport au trajet le plus court pour Foz de Iguaçu, mais ça me plait.

Bingo !

La route en terre rouge est pittoresque et je ne croise que peu de voitures. À chaque sommet de colline, je peux apercevoir le fleuve qui sillonne la région. Tout est très vert, un vert intense et brillant.

 

 

Cela contraste avec la terre rouge sur laquelle je roule. Je suis à 5 km de la traversée du fleuve lorsque je croise des locaux qui m’expliquent que le bac est en panne et que je suis donc condamné à revenir sur mes traces et à faire le détour par l’ouest en passant par Sodade de Iguaçu. Une cinquantaine de bornes. Mais bon, tout arrive pour une raison.

 

 

J’arrive donc à Sodade et me pose à la station-service pour boire un café et faire le plein. Je repars et, quelques kilomètres après être sorti de la ville, j’aperçois un barrage au loin et de sublimes gorges qui aboutissent au pont sur lequel je me trouve. Je vais garer la moto pour prendre des photos et je remarque qu’elle tousse et cale lorsqu’elle est au ralenti. Je débraye et vais la garer sur le terre-plein à côté du pont. Photos avant tout. Je vais jusqu’au milieu du pont pour prendre mes clichés.

 

 

De retour à la moto, je m’apprête à repartir et puis je me dis que je vais quand même jeter un œil à cette histoire de ralenti. Tout arrive pour une raison. Je déplace la moto à l’ombre (parce qu’il fait quand même un petit 40°) pour faire des tests. Je me penche sur le côté pour regarder ce qui se passe et, à ce moment là, j’entends un bruit qui ferait tourner la tête à n’importe quel motard. Un bruit sourd, grave, ronronnant, un bruit de groupe de motos. Je vois apparaitre une femme sur un scooter 400cc, gilet en cuir brodé de différents écussons et T-shirt rose, qui vient se garer à ma hauteur. Puis une autre, sur une moto, qui porte un casque avec une tresse. Puis une suivante et un groupe de trois autres. Je me retrouve entouré de sept motardes vêtues de noir sauf une qui est en rose. Je n’en crois pas mes yeux. Je ris bêtement, la main devant la bouche, face à cette situation. Celle qui semble être la meneuse me salue. Je lui rends la pareille toujours sous le choc de ce que j’ai devant les yeux. Je sors finalement de ma tétanie et me rends compte que j’ai déjà mon téléphone à la main prêt à prendre une photo. Je le remets dans ma poche et m’enquiers de savoir “qu’est-ce que c’est que ce bordel !”

Nós somos um grupo moto de mulheres. Las Marias. (Nous sommes un groupe de moto féminin).

Waw. Incroyable. Je me présente à mon tour et chacune d’elles me fait un petit signe de la main pour me saluer en me donnant son nom. Je ne retiens rien sauf celui de Fran (la meneuse) parce qu’elle a sur son gilet un écusson estampillé « Fran B+ ». Je trouve ça intelligent. Je leur demande si je peux faire une photo. Sans problème.

 

 

Elles vont prendre des photos sur le pont, je les suis. Je les scrutes, probablement maladroitement. Elles me demandent de venir poser avec elles. Ce que je fais volontiers.

 

 

Après la séance photo, nous retournons aux engins. Je regarde les motos avec attention. Une Virago, une Falcon, et d’autres modèles que je ne connais pas. Je trouve très drôle le casque à tresse.

 

 

Fran me demande si je veux venir prendre une glace avec elles à Saudade. J’en arrive, mais j’y retourne avec plaisir pour les accompagner. Inutile de préciser que rouler avec un gang de motardes me grave un sourire jusqu’aux oreilles au milieu du visage. Nous roulons en formation jusqu’au pueblo et nous nous arrêtons devant le magasin en plaçant soigneusement nos motos côte à côte.

 

 

Les filles sont tout feu tout flamme au moment de choisir leur parfum de glace. Je ne me lasse pas de les observer. Nous nous asseyons autour d’une table et une avalanche de questions en portugais déferle sur moi. Je les arrête tout de suite en leur expliquant, en espagnol, qu’il va falloir y aller tranquille et parler avec des mots simples. Fran commence par me poser les questions d’usage. Qui suis-je, d’où viens-je, où vais-je, depuis combien de temps je voyage… À mon tour de poser les questions. J’apprends donc que les Marias sont d’un gros village nommé Pato Branco situé à une petite centaine de bornes. Elles sont 23 au total. Fran est la présidente comme le précise son T-shirt où son statut apparait en dessous de son nom et de son rhésus. J’apprends aussi que l’une d’entre elles, Meri, est policière. Ça aide toujours dans un groupe de moto.

Soudain mon attention est distraite par un bruit derrière moi. Une Triumph Versys passe devant le magasin. C’est la première fois que je vois une Triumph en Amérique du Sud. Je note que Fran salue le pilote d’un geste de la main. Elle me dit qu’elle le connait. Nous reprenons notre conversation et, quelques minutes plus tard, le pilote en question, qui a fait demi-tour, s’arrête pour dire bonjour. Je fais donc la connaissance de Roger. Je lui dis que c’est rare les Triumph ici. Il me répond que oui avec une fierté manifeste. Il voit ma moto, chargée de bagages, trônant au milieu des autres et lève le pouce en me faisant un clin d’œil. Il sort son téléphone et me montre une photo de sa Dominator version noir mat. Monsieur est connaisseur.

Nous restons tous ensemble une vingtaine de minutes à discuter, les filles me demande si j’ai Facebook ; j’écris mon nom sur le téléphone de l’une d’entre elles et constate qu’il fait le tour de la table. Fran me demande dans quelle direction je vais. Au nord-ouest, vers Foz de Iguaçu. Elle me dit que c’est sublime. Roger s’en va le premier et quelques minutes plus tard nous nous mettons en route vers nos destinations respectives. Je dis au revoir à chacune d’elles en leur souhaitant bon vent, car elles repartent vers le sud.

Ma moto a du mal à démarrer, je suis obligé de la pousser dans les tours pour que le moteur ne cale pas. Je décide de m’arrêter au prochain village, dans un hôtel, pour essayer de régler le problème le lendemain car il est déjà tard. Je trouve mon bonheur à Rio Bonito do Iguaçu. Un petit hôtel avec de l’espace derrière où je pourrai bosser sur la moto demain. Je pose mes sacs et envoie un message à l’ami Romain à Paris (motard et mécano) en lui exposant les symptômes de la belle. Selon lui, ce serait soit la bougie que je n’ai jamais changée, soit un gicleur crado dans le carburateur (moi aussi j’ai eu l’impression d’entendre parler mandarin, mais après consultation du manuel, tout s’est éclaircit). Je sais donc ce que j’ai à faire demain.

J’ai faim. Je demande à la réception où je peux trouver une épicerie pour faire quelques courses. Il me répond gentiment, d’un air navré, qu’on est dimanche et que tout est fermé. Sauf la pizzeria. Va pour une pizza ! Il appelle et me commande une chorizo, olives, fromage et une bière. Ce sera là dans 20 minutes. J’en profite pour prendre une douche et claquer quelques moustiques au passage (ça détend).

On toque à la porte, la pizza et la bière sont là. Je pars dans la cuisine dévorer mon diner. Excellente cette pizza, servie avec une petite crème d’aïoli, des olives finement tranchées, des oignons ciselés fins et croustillants, fines herbes et pâte moelleuse.

 

 

Un délice. J’arrive à la moitié et je suis déjà repu. J’ai pris l’habitude de ne pas manger le midi quand je conduis parce que ça m’endort, mais du coup je pense que mon estomac a rétréci. La gourmandise l’emporte sur la raison. Je termine. Je sors le ventre lourd, je rampe jusqu’à mon lit et m’endort devant un film.

22 janvier 2018, Rio Bonito de Iguaçu, Brazil

Après mon café, je me lance directement dans le vif du sujet en m’attaquant à la bougie. La coquine est bien dissimulée au centre du moteur. Il faut tout démonter, carénage et réservoir. J’essaie de procéder méthodiquement en prenant, au fur et à mesure, des photos des vis que j’enlève et en les plaçant dans des gobelets différents par thème (ça a l’air infantile, mais ça aide…). Avec beaucoup de patience, d’amour et de contorsions cervicales et digitales, j’arrive à extraire la bougie.

Photo. Message. Romain. La bougie est bien blanche (pas assez d’essence, et ouais j’apprends plein de trucs). J’en mets une nouvelle, remonte le réservoir, pas de changement. Carburation donc. Après moult messages et explications de mon sauveur en ligne, je m’attaque donc à l’extraction du carburateur. Une bonne heure plus tard, je réussi à sortir la bête. Entre temps j’ai posté sur Facebook une photo de la belle dénudée et un petit mot d’amour pour le carburateur.

 

 

Une fois l’objet sorti, il faut à son tour le démonter. J’ai de sérieux doutes sur ma capacité à remonter toutes les pièces dans le bon ordre sans rien oublier. Mais bon, maintenant je suis lancé. Je suis  les instructions que Romain me transmet au fur et à mesure que je lui envoie des photos de ce que je découvre, mais tout à l’air propre et en bon état. Nous faisons le tour de ce qui pourrait ne pas aller dans le carbu, mais rien. Tout est nickel.

Une petite pluie tropicale de 5 minutes vient rafraichir l’air. À court d’idées, je me lance dans le remontage. Peut être que ça marchera. À ma grande surprise je n’oublie rien, pas de vis en trop, pas de rondelles qui trainent, c’est déjà une petite victoire. Je redémarre l’engin. Même scénario. J’enrage, mais je ne m’avoue pas vaincu. Je tente le deuxième coup de bigo à une proximité (avec l’accent québécois pour ceux qui connaissent). Comme dans tout, deux avis valent mieux qu’un. L’ami Germain, au bout du texto, me sort un diagnostic plus ou moins similaire avec quelques variantes au niveau des tests et des termes encore plus compliqués que je finis par comprendre à force de plans et d’explications qu’il a la patience de m’envoyer au fur et à mesure. L’issue est la même. Il sèche.

Je vais faire un tour sur Facebook histoire de me changer les idées et je vois que la photo postée il y a quelques heures a déchainée les passions. Dès qu’il y a de la nudité…

À ce moment là je reçois un message de Fran qui me demande si j’ai besoin d’aide. Je lui dis que je suis en train de remonter la moto pour voir si elle marche mais que, dans le cas contraire, je ferai peut-être appel à ses services. Elle connait un mécano à une vingtaine de kilomètres qui peut se déplacer.

Après avoir tout remonté, pas de pièce en trop si ce n’est que j’ai 4 tubes à brancher et qu’il n’y a que 3 trous… Message. Romain. Germain. Help ! Il se trouve que le tube en trop ne va nulle part. Mise à l’air branchée à rien. Je respire.

Je préviens Fran que je veux bien l’aide de son mécano. Sitôt dit, sitôt fait, il passe demain matin, elle lui a donné mon contact. Elle me confie aussi qu’elle aurait bien aimé que je passe un peu temps avec le groupe. Ça tombe bien c’est ce que je me suis répété toute la journée. Je lui réponds que ça me plairait beaucoup et lui demande si elle connait un endroit où je pourrais planter ma tente. Elle m’affirme que son mari, sa fille et elle seraient ravis de me recevoir. Je la remercie et lui dit que je serais très content de prendre des photos du groupe. Elle est enchantée. Moi aussi. Je l’assure que, dès que la moto est réparée, je file vers Pato Branco pour les rejoindre.

Un peu plus tard je reçois un message de Marcos, l’ami mécanicien, qui m’informe qu’il viendra demain matin vers 10 h. Parfait.

Résumé photo de la journée…

 

 

23 janvier 2018, Rio Bonito de Iguaçu, Brazil. 

Peu après que j’aie fini mon petit déjeuner, le réceptionniste vient frapper à ma porte pour m’annoncer que le mécanicien est là. Ils sont deux. Marcos et un de ses mécanos qui tourne déjà autour de la moto. Je lui explique le problème, il la démarre et me dit que c’est le carburateur. Merci, ça j’avais bien compris. Je lui fais part de mes prouesses mécaniques d’hier et de mes résultats. Il fronce les sourcils. Ce serait mieux si je le suivais au garage pour qu’on puisse faire des tests. Pas de soucis. Arrivé au garage, il monte la moto sur le pont et commence à la démonter. Il lui faut exactement 10 min pour sortir le carbu alors que ça m’a pris une heure. La loose.

 

 

Il fait tout un tas de manipulations jusqu’au déjeuner. Pause d’une heure. Je vais au buffet local. Il y a énormément de buffets au Brésil. Au choix : à volonté ou au poids. Retour au garage. Les heures passent et il a l’air de galérer. Vers 17 h, il me dit finalement que je dois changer une pièce du carburateur, mais qu’on ne la trouve pas au Brésil. Il faudra que j’aille à Asunción, capitale du Paraguay, dans un garage Honda. Il me dit qu’il a bidouillé un truc pour que ça fonctionne le temps que j’arrive jusque là. Ça ne me plait pas trop, mais je n’ai pas vraiment le choix. De plus je ne suis pas certain d’avoir bien compris tout ce qu’il me disait en portugais. J’attendrai le Paraguay pour être fixé. Je préviens Fran qu’il est un peu tard pour me lancer vers Pato Branco et que je préfère prendre la route demain matin pour les rejoindre. Pas de soucis me dit-elle.

Je retourne à l’hôtel un peu préoccupé par l’état de santé de ma monture. Je vais faire un tour dans le village pour acheter de l’eau et des empañadas. De retour à l’hôtel, je regarde mon trajet pour demain. Deux bonnes heures pour Pato Branco. Je vais me mettre à  écrire un peu lorsque j’entends ce bruit aigu d’insecte suceur de sang qui s’approche de mon oreille. Je bondis sur le lit prêt à le renvoyer chez son créateur d’une énorme tarte, mais je le perds de vue. Il s’est dissimulé dans le rideau. Je reste là, immobile, les oreilles à l’affût, en caleçon et chaussettes, accroupi sur le lit. Seuls mes yeux roulent pour scruter les environs. Je secoue doucement le rideau, mais rien. Je me retourne croyant entendre le maudit battement d’ailes, mais non. Je reste immobile une bonne dizaine de minutes et me ravise. Ma pulsion meurtrière s’est apaisée et je me résous à l’idée que je vais devoir laisser la bête immonde me dévorer pendant mon sommeil. Chienne de vie.

24 janvier 2018, Vers Pato Branco, Brazil

Moto chargée, je quitte les lieux pour rejoindre les Maria’s. À mi-chemin, en arrivant dans un petit village, j’ai un doute sur la direction que j’ai prise. Je m’arrête sur le côté de la route pour vérifier et boire un café. Je m’apprête à repartir quand une voiture s’arrête à ma hauteur. Un homme en polo blanc et lunettes noires me salue et me demande comment ça va. Je lui réponds poliment que ça va bien. Il me demande si la moto a toujours un problème. Je fronce les sourcils incrédule et d’un coup je réalise que c’est Roger, l’ami de Fran à la Triumph Versys.

Il a vu sur Facebook que j’avais un problème avec la moto. Je ris et lui dis que je ne l’avais pas reconnu. Je lui explique que le mécano que j’ai vu a bidouillé le carbu et que je dois changer une pièce au Paraguay. Petite moue. Il me dit qu’il a un ami mécanicien à 500 mètres de là, qui plus est, spécialiste des Honda. J’hésite un peu, je lui dis que Fran m’attend. Pas de soucis, il la prévient. Très bien, allons-y. J’arrive au garage et il rentre avec moi pour me présenter son ami, Junior Testa. La cinquantaine, l’œil bleu vif et la poignée de main ferme ; je lui explique le problème. Il se dirige vers ma moto et commence les éloges du modèle. Il me sort le millésime avec une assurance qui me met en confiance. Je lui expose ce que l’autre mécano m’a dit. Il est dubitatif. Il me dit de rentrer la moto et de décharger mes bagages dans un coin. Une fois dévêtue, il emmène ma belle sur le pont et la fait tourner deux minutes. Il me demande si j’ai vérifié le carbu. Oui monsieur de A à Z. Il veut quand même jeter un coup d’œil. Éclate-toi mon gars ! Je regarde aux alentours et je vois des petits bijoux. L’atelier est rempli de merveilles des années 80 et 90.

 

 

 

Ainsi que de bonnes blagues de garagiste.

 

 

Il sort le carburateur et m’annonce que la pièce prétendument défectueuse va très bien. Ça me soulage parce que c’est quand même une pièce à 150 boules. Il dépiaute le carbu et lui fait un nettoyage au compresseur dans les règles. Il remonte le tout et réessaye. Pareil. Il redémonte et vérifie quelque chose dans le moteur, remonte et réessaye. Pareil. Ainsi de suite une bonne dizaine de fois jusqu’à la pause déjeuner. Entre temps plusieurs clients et amis défilent dans le garage, chacun y allant de son commentaire sur la moto et de sa question sur mon voyage. L’un d’entre eux va jusqu’à m’offrir un T-shirt de son groupe de moto en m’invitant à les rejoindre si le cœur m’en dit. Il y a vraiment une grande famille des motards, c’est dingue. Ça me remplit de joie et d’espoir toute cette fraternité. Pause.

Il m’emmène manger avec lui dans un restaurant où la viande est, parait-il, très bonne. Bizarrement, bien qu’il parle portugais, j’arrive à comprendre l’essentiel de son discours. Nous passons le déjeuner à faire connaissance. Il est mécanicien depuis 40 ans et a son garage depuis 25. Il a une fille et un fils et est déjà allé en Europe. Il a adoré.

La viande est effectivement délicieuse, bien grillée, tendre au cœur et salée. Ici c’est un serveur qui passe de table en table avec une broche sur laquelle est empalé le morceau de barbaque rôti. Le client décide de la taille et de la partie qu’il désire. À volonté.

La conversation continue. J’aime bien ce mec, il a un bon esprit. Il me rappelle un ami de mon père qui était aussi garagiste et qui nous a quitté. Je lui offre le déjeuner pour le remercier de s’être occupé de ma moto sur le champ. Il me gratifie d’une tape sur l’épaule et d’un sourire rayonnant. En revenant, il me fait entrer dans son garage personnel pour me montrer la perle de sa collection. Une Ford Maverick de 1975 qu’il a entièrement retapée. Il ne résiste pas au plaisir d’ouvrir fièrement le capot pour me faire voir le moteur. Une pure merveille.

 

 

 

 

Retour à nos moutons. Il me demande où j’ai fait mon dernier plein. À Saudade. Il pince les lèvres. Il fait tourner la moto avec une autre essence que celle de mon réservoir et a l’air de comprendre ce qui se passe. Selon lui, l’essence du Brésil est trop pauvre pour mon moteur ce qui l’empêche de tourner correctement. Problème de gicleur (non ce n’est pas cochon, c’est une petite vis du carburateur avec un trou dedans qui distille l’essence). Il décide de m’en faire un sur mesure. Mais ça se travaille au dixième de millimètre avec remontage à chaque fois pour voir si ça marche.

En attendant je passe un peu de temps à discuter avec sa fille Emily qui aide au garage et qui parle un peu anglais. Elle est adorable et prend soin de tout le monde dans l’atelier en apportant de l’eau et en accueillant les clients. Elle a l’air aussi très efficace en mécanique. Elle me raconte son voyage au Japon avec son amoureux. Son voyage en Europe avec ses parents. Elle fait des études de physiothérapie, si j’ai bien compris. Elle sert de traductrice quand son père veut me demander quelque chose d’important. Elle m’offre un porte-clé du Mont-Fuji. Trop d’amour dans ce garage !

Junior Testa fini enfin par trouver le bon diamètre. La belle ronronne parfaitement. Il me dit qu’il faut de la patience et du cœur pour ces choses là. J’adore ce mec. Il descend la moto du pont et part faire un tour avec pour la tester. C’est bizarre de voir quelqu’un d’autre dessus. Tout va bien. Elle démarre au quart de tour. Quelle chance d’être tombé sur un mec comme lui. Je lui demande combien je lui dois. Rien, me dit-il. Je suis embarrassé. J’insiste. Non, rien. J’ai les larmes qui montent. Il veut juste une photo de nous deux avec la moto.

Con placer amigo.

 

 

Je recharge mes bagages et me lance sous la pluie vers Pato Branco. Fran m’accueille avec sa fille, Ana, dans une jolie maison. Je pose mes affaires et commence à leur raconter mes péripéties. Sa vieille tante vit aussi avec eux. Elle a la maladie d’Alzheimer et se déplace avec difficulté. Je demande où je peux planter ma tente, mais elle me répond qu’elle a préparé une chambre pour moi. Vraiment les gens sont incroyables par ici. Elle me dit que, ce soir, il y a barbecue avec 15 filles du groupe à la maison. La journée n’est pas finie !

Je vais faire quelques courses avec elle pour le diner. En revenant je vais prendre une petite douche et me reposer un moment avant l’arrivée des filles.

Tereza est la première arrivée ; c’est la co-fondatrice du groupe. S’ensuit l’arrivée de toute la troupe. C’est très dur de suivre toute la conversation, elles parlent vite et souvent en même temps. Mais je prends plaisir à leur compagnie et, à la fin du diner, leur demande si je peux les prendre en photo. Elles sont ravies.

 

 

Je les fais défiler une à une devant mon objectif. Elles ont toutes un bon caractère et ça se voit sur les photos.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

25 janvier 2018, Pato Branco, Brazil 

Ce matin, Fran me demande si ça me dérangerait de participer à une interview en fin d’après-midi pour une amie à elle, journaliste à la télé, qui a eu vent de mes aventures. Je suis tout à fait disposé à m’y soumettre, mais je lui fais part de mes doutes quant à la qualité de mon portugais pour les réponses que j’aurai à fournir. Ce n’est pas grave, me dit-elle, je n’aurai qu’à répondre en espagnol. Je ne sais pas si ce sera beaucoup mieux en espagnol, mais elle me rassure en me disant que tout va bien se passer.

Ce matin elle m’emmène visiter ce que la ville offre comme monuments et endroits intéressants.

Nous commençons par l’église qui, au premier abord, n’a rien d’extraordinaire si ce n’est une grande croix au fond qui a l’air joliment peinte.

 

 

Fran m’invite à m’approcher de la croix. Il s’avère que l’œuvre, d’une bonne dizaine de mètres de haut, est en fait une faïence. Incroyable travail de précision.

 

 

Nous continuons par une petite grotte dédiée à la Vierge Marie. La religion est très présente au Brésil.

 

 

Pas grand chose de plus à voir à Pato Branco. Nous rentrons déjeuner et nous reposer un peu avant l’interview. Vers 16 h, Karolline, la journaliste, arrive avec son cameraman. Nous discutons un peu avant de commencer. J’apprends qu’elle a visité Paris et qu’elle a adoré. À tel point qu’elle s’est fait tatouer une petite tour Eiffel sur la cheville. Elle me pose plusieurs questions dont certaines seront dans l’interview ce qui me permettra de réagir plus vite au moment où elle les posera. En effet, la traduction portugais/espagnol, espagnol/français, français/espagnol me demande un petit temps d’activité neuronale. Et la concentration se lit, apparement, clairement sur mon visage, front plissé, pommettes relevées, bouche entrouverte : le regard béat de l’imbécile niais. Donc, afin de d’éviter ce petit désagrément, j’essaye de préparer, avec beaucoup d’incertitudes, une réponse adéquate pas trop compliquée à dire en espagnol. Le résultat :

 

 

Riez, riez, j’ai moi-même beaucoup ri. Mais c’est un souvenir agréable que me laisse la télé brésilienne.

Après l’interview, nous partons faire un tour à moto sur les hauteurs de la ville pour profiter de la belle lumière de fin de journée.

 

 

 

 

 

 

 

Derniers moments passés avec les Marias avant mon départ demain pour Foz de Iguaçcu et ses légendaires cascades.

Je me dis quand même que tout cela n’a tenu qu’a peu de choses. La décision de jeter un œil à un problème mécanique, au milieu de la route, au lieu de repartir m’a permis de rencontrer ce gang de femmes incroyables, m’arrêter pour regarder mon chemin sur le bord de la route en allant à Pato Branco m’a permis de rencontrer mon sauveur mécanique ; c’est à se demander si tout cela est dû au hasard…

Tout arrive pour une bonne raison.

3 thoughts on “Cosmos, gang et gicleur

  1. Bravo ! Quel réconfort de te lire (et de te voir) alors que la grisaille s’appesantit sur Paris… Et que de belles rencontres, que tu suscites par ce que tu es.
    Je t’embrasse

  2. MUITO LINDO SEU TRABALHO, SUA PASSAGEM POR AQUI VAI DEIXAR SAUDADES PARA TODAS NÓS DO MOTO GRUPO MARIA’S. QUE DEUS LHE ABENÇOE NESTES SEUS CAMINHOS.GRANDE ABRAÇO E FICA COM DEUS

  3. La picanha !!!!( la viande a la broche ) Quelle merveille!
    Trop bien de suivre tes aventures !
    Ca permet de voyager à domicile comme si on y était!
    Boa viagem

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